Yannis Lantheaume Avocat
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Quelles stratégies face à l’inertie de la préfecture du Rhône dans le traitement des demandes de nationalité française ?

Droit des étrangers

L’état des lieux

Dans un précédent post de blog, nous alertions sur la situation critique de la plate-forme interdépartementale des naturalisations de la préfecture du Rhône.

Notamment, nous expliquions que la préfecture avait mis en place un système imposant un pré-enregistrement des demandes de nationalité française (qu’il s’agisse des demandes de naturalisation, c’est-à-dire des demandes de nationalité par décret, ou des déclarations de nationalité par mariage par exemple) sur le site Internet « démarches-simplifiées ».

Un étranger devait ainsi formuler sa demande obligatoirement via ce site, aucune autre modalité de dépôt du dossier n’étant autorisée.

Il se voyait alors annoncer qu’il lui faudrait attendre trois ans (vous avez bien lu…) pour qu’un agent commence seulement à examiner son dossier.

À ce délai s’ajoutait ensuite, pour les demandes de naturalisation par exemple, celui d’instruction du dossier, de production des pièces complémentaires, de convocation à l’entretien d’assimilation en préfecture, puis de décision du préfet (pour un rejet) ou du ministre (pour une acceptation).

Un client du cabinet, qui avait contacté la plate-forme préfectorale par téléphone pour essayer de connaître le délai estimatif global de traitement des demandes de naturalisation, s’était vu répondre qu’il ne fallait pas compter moins de cinq ans, dans le meilleur des cas !

Or, rappelons que l’administration est tenue par des délais, fixés par le législateur, pour statuer sur les demandes de nationalité française.

Ainsi, s’agissant par exemple d’une demande de naturalisation, elle doit respecter un délai de 18 mois maximum pour traiter le dossier (ou de 12 mois pour une personne résidant en France depuis plus de 10 ans).

Certes, encore faut-il que les services ministériels lui donnent les moyens humains et matériels de respecter ces délais… Mais c’est un autre débat.

Les solutions

La question s’est donc posée de savoir s’il était possible, sur le plan contentieux, d’essayer d’attaquer la préfecture du Rhône pour que celle-ci respecte les délais d’instruction des demandes de nationalité.

Un premier problème devait être réglé : les délais courent à compter du moment où la personne se voit délivrer un récépissé par la préfecture, attestant de ce qu’elle a déposé un dossier complet de demande de nationalité.

Et par définition, l’étranger qui n’a pas encore déposé son dossier complet, puisqu’on lui impose un délai de trois ans pendant lequel on le cantonne à un « pré-enregistrement » de sa demande, ne se voit délivrer aucun récépissé, et ne peut donc pas attaquer le rejet implicite de sa demande par la préfecture au terme d’un délai qui n’a donc pas commencé à courir.

Par conséquent, la première étape consiste à contraindre la préfecture à délivrer ce fameux récépissé, c’est-à-dire à procéder à l’enregistrement du dossier complet de demande de nationalité.

Cela peut se faire en envoyant un courrier au préfet du Rhône pour lui demander la délivrance de ce récépissé, le cas échéant après que ce dernier ait invité l’étranger à compléter son dossier par les pièces manquantes.

En l’absence de réponse du préfet à ce courrier dans un délai de deux mois, il est possible de saisir le tribunal administratif de Lyon d’un recours contre le rejet implicite de cette demande de délivrance de récépissé.

Certes, la procédure au tribunal administratif n’est pas des plus rapides (comptez environ un an), mais ce sera toujours moins long que d’attendre une hypothétique décision du préfet sur la demande de nationalité, alors d’ailleurs que le site Internet de la préfecture annonce désormais que « le module « démarches simplifiées » est clôturé depuis le 2 novembre 2021 », et que « Une nouvelle procédure en ligne pour les demandes de naturalisation par décret, entrera en vigueur début 2022 » !

Il est indiqué que pendant cette période « transitoire » un dossier peut être déposé en prenant un rendez-vous sur le site de la préfecture, mais contrairement à ce qui est mentionné, la prise de rendez-vous ne fonctionne pas pour une demande de nationalité par décret, c’est-à-dire pour une demande de naturalisation.

Pour les autres demandes (déclaration acquisitive de nationalité française par mariage, par exemple), le calendrier est totalement saturé, et aucun rendez-vous n’est disponible…

En ce mois de décembre 2021, il est donc rigoureusement impossible pour un étranger résidant dans le département du Rhône, de la Loire, de l’Ain ou de l’Ardèche, de déposer une demande de nationalité française, quand bien même il réunit toutes les conditions pour devenir français.

Bref, la voie contentieuse reste la plus efficace, et malgré tout la plus rapide.

Concomitamment, il est d’ailleurs également possible (voire indispensable…), dans certains cas, d’essayer d’engager la responsabilité de l’État en formulant une requête indemnitaire (demande de dommages et intérêts) devant le tribunal, ce qui souvent permet de débloquer les choses, la préfecture étant plus soucieuse de ne pas être condamnée à verser des sommes d’argent importantes que de respecter la loi.

Dans un contentieux récent initié par le cabinet, nous avons envoyé un premier courrier au préfet du Rhône pour demander un récépissé en septembre 2021, il n’y a pas répondu, nous avons saisi le tribunal en novembre contre le refus de délivrance de récépissé, et le même mois nous avons envoyé une demande préalable indemnitaire à la préfecture, et saisit concomitamment le tribunal d’une requête indemnitaire.

Comme par miracle, la personne concernée a reçu seulement quelques jours plus tard une convocation pour le mois de janvier 2022 !

D’un délai annoncé de cinq ans pour le traitement de la demande de nationalité, nous sommes donc passés à quelques semaines, preuve que l’arme du droit reste la plus efficace face à une préfecture qui n’a ni les moyens ni l’envie de régler une situation désolante, laquelle interdit de fait aux ressortissants étrangers les mieux intégrés, souvent en France depuis de très nombreuses années, de devenir nos compatriotes.

***

Yannis Lantheaume
Avocat au barreau de Lyon
www.lantheaume-avocat.fr

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