Yannis Lantheaume Avocat
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Visa « visiteur » et nécessité d'un séjour de longue durée en France

Droit des étrangers

Un super visa touristique ?

 

Nous avons déjà évoqué dans ce blog la question du visa de long séjour mention « visiteur », qui peut parfois être un palliatif intéressant pour des ressortissants étrangers souhaitant s'établir en France, notamment lorsqu'ils ne remplissent pas les conditions du visa « ascendant à charge d'un ressortissant français ».


Pour mémoire, un tel visa, qui constitue un visa de type D (long séjour), c'est-à-dire un visa d'installation sur le territoire français, permet ensuite la délivrance des titres de séjour prévus aux articles L. 426-20 du CESEDA ou 7 a) de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 modifié pour ce qui concerne les ressortissants algériens.


Si l'on résume à grand traits, les conditions de délivrance du visa « visiteur» sont les suivantes :

 

-         Prendre l'engagement de n'exercer en France « aucune activité professionnelle » (pour les ressortissants étrangers relevant du CESEDA) ou « aucune activité professionnelle soumise à autorisation » (pour les Algériens) ;

 

-         Justifier de la possession d'une assurance maladie couvrant la durée du séjour en France ;

 

-         Justifier de ressources stables et suffisantes pour couvrir la durée du séjour en France (sans précision pour les ressortissants algériens, et au moins égales au SMIC pour les autres ressortissants étrangers), sachant que les ressources des membres de famille accueillant l'étranger en France peuvent être prises en compte (en ce sens, voir par exemple : CE, 6e ss-sect.jugeant seule, 19 avril 2011, n° 331636).

 

Un tel visa avait pour mérite de permettre à des ressortissants étrangers n'entrant pas dans les critères de délivrance des autres visas long séjour et ne souhaitant pas forcément vivre en France toute l'année de faciliter leurs déplacements.


En effet, ce visa était parfois utilisé comme une sorte de « super visa touristique », ou de visa de circulation, par certains étrangers ayant de fortes attaches familiales sur le territoire français, et souhaitant donc venir régulièrement en France, sans forcément y établir leur résidence principale.

 

Certes, l'objet du visa était quelque peu détourné, mais on ne saurait blâmer les personnes qui agissaient ainsi.


Il est en effet devenu parfois si difficile, long, cher, aléatoire, de demander un simple visa touristique pour la France dans certains pays (au hasard : les pays du Maghreb), que ces étrangers cherchaient des solutions plus pérennes pour garantir la possibilité de venir voir leur famille en France sans être soumis au pouvoir quelque peu arbitraire des autorités consulaires, et, souvent, aux difficultés des relations avec les opérateurs privés chargés de l'enregistrement des demandes de visas (TLS, VFS, Capago…).

 

 

Retour aux sources : un vrai visa d'établissement en France


Les autorités diplomatiques et consulaires ont toutefois récemment durci leur appréciation des demandes de visas « visiteur », probablement en faisant le constat que le véritable objet de ce visa long séjour était détourné pour en faire un outil de simple facilitation des trajets entre deux pays, et non dans le but d'une installation durable en France.


C'est la raison pour laquelle les consulats, et, dans leur prolongement, la commission de recours contre les refus de visa d'entrée en France (CRRV), ont décidé de vérifier, dans le cadre de l'instruction d'une demande de visa « visiteur », les critères tenant à la « nécessité » d'un séjour en France pour une durée supérieure à trois mois.


Le Conseil d'État a, à au moins deux reprises (CE, 7ème - 2ème chambres réunies, 4février 2021, n°434302, Lebon T. ; et CE, 7ème - 2èmechambres réunies, 7 novembre 2022, n°449990, Lebon), rappelé qu'en effet le visa long séjour « visiteur » est réservé aux personnes souhaitant séjourner durablement sur le territoire français, lorsqu'elles ne relèvent donc pas du classique visa de type C, c'est-à-dire du visa Schengen (lequel autorise, on le rappelle, un séjour dans l'espace Schengen pour une durée maximale de trois mois).


Le tribunal administratif de Nantes a lui-même suivi cette position, dans un dossier du cabinet pour lequel nous avions pourtant essayé de démontrer que l'intéressée devait séjourner sur le territoire français pour une période supérieure à trois mois.

 

Le tribunal juge ainsi que :

 

« Il ressort des pièces du dossier que Mme B, retraitée, âgée de 69 ans et veuve depuis2019, souhaite séjourner en France pour une durée supérieure à trois mois afin de s'y établir, en résidant à Lyon, au domicile de son fils qui la prend en charge. Elle justifie de la nécessité de son séjour par son isolement en Tunisie, et par son souhait de se rapprocher de ses enfants et de ses petits-enfants. S'il n'est pas contesté que ces circonstances personnelles et familiales sont importantes pour Mme B, elles ne permettent pas à elles seules d'établir que l'intéressée se trouverait dans la nécessité de séjourner en France pour une durée supérieure à trois mois. Par suite, c'est sans commettre d'erreur manifeste d'appréciation que la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France a pu refuser de délivrer le visa sollicité pour le motif que Mme B ne justifiait pas de la nécessité d'un long séjour en France ».

 

Prenant en compte la large marge d'appréciation dont disposent les autorités consulaires pour accepter qui entre en France ou pas, le tribunal estime ainsi que ce n'est pas au seul motif qu'elle déclare vouloir s'installer durablement sur le territoire français qu'une personne étrangère prouve pour autant la « nécessité » d'un séjour en France supérieur à trois mois.

 

En bref, il faut donc justifier que l'on souhaite s'installer durablement en France, mais il faut aussi exposer en quoi cela répond à une véritable nécessité, c'est-à-dire un véritable besoin.

 

 

Comment construire sa demande de visa «visiteur » ?

 

Il est important, lorsque l'on dépose une demande de visa long séjour « visiteur », de produire un courrier d'appui à la demande en insistant sur les motifs de celle-ci, et, surtout, sur la nécessité d'un séjour d'une durée supérieure à trois mois sur le territoire français.

 

Tous types de motifs peuvent justifier cette nécessité, par exemple l'aide à un proche malade, l'assistance à sa fille qui vient d'accoucher, pourquoi pas la visite du pays pendant plusieurs mois, ou même la volonté, pour un entrepreneur, d'étudier le marché français pendant quelques mois dans la perspective future d'une création d'entreprise en France.

 

Ces motifs peuvent parfaitement être invoqués, pour autant qu'ils viennent démontrer qu'il y a un véritable besoin de séjourner en France pour une durée supérieure à trois mois.

 

C'est bien la nécessité d'un séjour durable en France qui sera contrôlée par l'administration puis le juge, et non nécessairement celle d'un séjour permanent, comme l'a rappelé le rapporteur public Philippe RANQUET dans ses conclusions sur la décision précitée du Conseil d’État du 7 novembre 2022 (n°449990).


Inversement, il est certain qu'un consulat rejettera la demande de visa long séjour « visiteur » de l'étranger indiquant qu'il souhaite simplement, avec ce visa, faciliter ses allers-retours entre son pays et la France.

 

Pour ce dernier, c'est davantage un visa de circulation, visa de type C, qu'il faudra demander.

 

On mentionnera enfin qu'il est assez fréquent que les autorités consulaires délivrent des visas « long séjour temporaire » (VLST) à la place du visa « visiteur » demandé.


Ces visas « long séjour temporaire » sont d'une durée de quatre à six mois, selon les cas, parfois plus.

 

Leur délivrance était prévue uniquement par une circulaire désormais abrogée, circulaire du 1er décembre 1999 Application du décret n° 46-1574du 30 juin 1946 relatif aux conditions d'entrée et de séjour en France des étrangers, modifié en dernier lieu par le décret n° 99-352 du 5 mai 1999.

Aux termes de cette circulaire, les visas « long séjour temporaire » sont des visas de type D mais ne permettent pas, ensuite – ce qui est d'ailleurs très critiquable juridiquement –, de solliciter la délivrance d'un titre de séjour en France.

 

Aussi, un étranger ayant demandé un visa long séjour « visiteur » et se voyant délivrer à la place un visa « long séjour temporaire » peut-il exercer un recours contre cette décision.

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